Édition du mercredi 31 janvier 2007
Droit opposable au logement: le scepticisme des sénateurs
Le ministre de la Cohésion sociale Jean-Louis Borloo a présenté hier à des sénateurs sceptiques le projet de loi instituant le droit opposable au logement. Alors que la gauche parle d'une «tromperie», la majorité s'interroge sur les difficultés d'application du texte.
Le projet de loi prévoit une mise en oeuvre progressive du droit opposable au logement: fin 2008 pour les personnes les plus en difficulté et le 1er janvier 2012 pour l'ensemble des mal-logés. Concrètement, une personne n'ayant pas obtenu de réponse à une demande de logement pourra saisir une commission de médiation. Les sans-logis, les personnes menacées d'expulsion, placées dans une structure d'hébergement temporaire, logées dans une habitation insalubre ou les ménages avec enfants mineurs logés dans des taudis pourront la saisir sans délai. Les autres demandeurs en attente de logement pourront faire valoir leur droit s'ils n'ont pas obtenu de réponse «dans un délai anormalement long», dont la durée sera définie par le préfet en fonction des caractéristiques locales. Si aucune solution n'est trouvée par la commission de médiation, le demandeur pourra saisir le tribunal administratif.
Ouvrant les débats, Jean-Louis Borloo a défendu un texte «de la même ambition et de la même importance» que les lois Jules Ferry sur l'éducation, qui ont permis à chaque commune française d'avoir «un instituteur et une classe». Face à la crise du logement, «on pourra dire, c'est trop ambitieux, trop rapide, mais on ne peut pas continuer à attendre», a-t-il dit.
Le ministre de la Cohésion sociale a assuré que ce texte présenté par le gouvernement en réponse à la mobilisation de l'association «Les Enfants de Don Quichotte» n'était «pas une improvisation», mais consacrait «l'action entreprise depuis 2002 pour relancer toute la chaîne du logement». Il a ainsi fait valoir que 2006 avait «battu tous les records depuis 28 ans» avec «près de 430.000 mises en chantier sur les 12 derniers mois», dont 144.000 «logements à loyers accessibles» et «106.000 dans le parc public social», contre «à peine 50.000 logements sociaux au total produits en 2000».
Les sénateurs de la majorité sont cependant restés sceptiques sur la mise en oeuvre du nouveau droit. Rapporteur du texte pour la commission des Affaires sociales, Bernard Seillier (RDSE) s'est interrogé sur «les difficultés d'appréciation» qu'il risque de soulever. Relayant les réticences des associations d'élus, notamment de lAMF, il a pointé le risque de «confusion des responsabilités entre l'Etat et les collectivités territoriales» lié la procédure d'expérimentation proposée par le texte. «Si elle ne dispose pas des moyens coercififs du préfet pour mettre en oeuvre le droit au logement, aucune collectivité locale n'a de vocation naturelle à exercer cette responsabilité», a-t-il averti. Il s'est aussi inquiété du «risque d'un engorgement spontané ou organisé des tribunaux administratifs».
Encore plus réservé, Dominique Braye (UMP) s'est demandé au nom de la commission des Affaires économiques si le gouvernement «ne confondait pas mobilisation et précipitation». «Il serait dangereux de croire qu'il suffit de proclamer l'opposabilité du droit au logement pour le rendre effectif», a-t-il dit, notant qu'il faudrait «plus de 10 années» pour résorber le déficit de logements. Le sénateur UMP propose de repousser au 1er janvier 2014 la date d'entrée en vigueur du droit opposable au logement pour l'ensemble des demandeurs.
Sans rejeter a priori ce texte qu'elle réclamait depuis plusieurs années, la gauche a conditionné son vote final au sort de ses amendements. «Il y a pour l'instant tromperie», a estimé Thierry Repentin (PS), prédisant que ce texte «ne créera pas un seul logement supplémentaire».<
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